Deux
hommes, deux marques, ou le génie de l'artisanat
La
carrière d' André Marcadier
(1925-2013) sympathique et pittoresque Lyonnais, débuta en 1947 par
la construction de cycles de haute qualité utilisant le duralumin pour
la réalisation des cadres. Il s'agissait là d'un procédé
délicat et fastidieux consistant à rouler puis souder des feuilles
daluminium sur toute leur longueur pour en faire des tubes ! Un travail
d'orfèvre.
Toujours sur deux roues, son talent s'exerça dans le domaine de la moto
de compétition pour laquelle il construisit de remarquables cadres autour
de diverses mécaniques ; l'un deux se classa deuxième au
grand prix de Monza 1957.
A cette même époque le karting fit son apparition en Europe et
notre homme se lança sans tarder dans la construction de châssis
simples et légers, trait dominant de ses productions tout au long d'une
carrière bien remplie. L'écrasante domination de l'équipe
Lyonnaise en 1961 (Verd, Dumont, Janoray ) fut couronnée par un
titre de champions d'Europe en catégorie endurance.
André
Marcadier prit un tournant décisif au début des années
60 lorsqu'il rencontra sur le circuit de Montlhéry un homme qui commençait
à faire parler de lui car il introduisait un concept nouveau dans le
monde de l'automobile de sport et de compétition : le génial Colin
Chapman et ses fameuses Lotus.
Aujourd'hui
l'histoire des Fournier-Marcadier continue et sont devenues des voitures appréciées
des amateurs de tous pays. Il participent activement aux diverses épreuves
historiques permettant ainsi la conservation du patrimoine de la marque.
Pour
rendre le sport automobile abordable en France, il fallait à l'image
de l'Anglais, produire une petite voiture biplace polyvalente et loger dans
un châssis tubulaire assez sophistiqué une mécanique de
grande série, de cylindrée modeste et peu coûteuse. La vente
en KIT serait retenue pour permettre un prix de vente le plus bas possible.
André Marcadier fit la connaissance de Marcel Fournier, carrossier à
Lyon, et ils fondèrent en association la marque Fournier-Marcadier .
Les deux amis présentèrent fin 1963 ce qui allait devenir la
première voiture de sport Française en K.I.T.
à monter
soi-mème !
Elle
se présentait sous la forme d'une barquette biplace avec une élégante
carrosserie en polyester qui rappelait un peu la Lotus 23. Le moteur était
installé en position centrale dans un magnifique châssis tubulaire
sans aucune concession au cahier des charges qui imposait un prix de vente le
plus bas possible.
Le succès ne se fit pas attendre, et les artisans Lyonnais reçurent
3600 lettres d'amateurs intéressés. La voiture fit preuve d'une
grande aptitude en compétition; un trophée fut même organisé
par la revue Sport-Auto.
Dès
1966, nos deux associés ne firent rien de moins que présenter
la monoplace qui préfigura la
formule de promotion nationale qui deviendra plus tard la Formule France.
A l'image des barquettes, elle se caractérisait par son faible poids
( 320 kg en ordre de marche ) et par une conception très réussie
de la partie châssis. La mécanique était encore le Renault
8 Major d'une puissance suffisante pour rendre cette auto très vivante,
comme le souligna Jean-Pierre Beltoise
lors
d'un essai pour la revue Sport-Auto.
L'auto fut ensuite munie d'une mécanique Renault 8 Gordini et cette voiture
signa, en formule libre, quelques beaux résultats aux mains de Roger
Cohen , le pilote attitré de la marque. Il remporta même des victoires
au classement général, devant des monoplaces de Formule 3 !
Début
1967 une heureuse évolution de la barquette vit le jour dans les bouillants
ateliers Lyonnais, ce fut la naissance du coupé Barzoï à
la personnalité incomparable. Il reprenait les bases mécaniques
de la barquette, mais ses concepteurs lui avaient greffé un toit et des
portes pour répondre à la demande d'une clientèle désirant
une auto d'un usage moins exclusif . A l'instar de la Mercedes 300 SL, des portes
"papillon" avaient étés rendues nécessaires par
la structure tubulaire du châssis et la faible hauteur de l'ensemble :
à peine 98 centimètres ! Il sagit du modèle à
succès de la marque qui fait encore rêver un grand nombre d amateurs.
Le
succès commercial du coupé Barzoï ne doit pas faire oublier
ses prestations en compétition ponctuées de coups d'éclat
comme la deuxième place du talentueux François Lacarrau au grand
prix de Paris à Montlhéry en 1968; ses adversaires avaient pour
noms : Servoz-Gavin , Wicky , Jungenet et leurs montures s'appelaient Matra
470 BRM, Ferrari, Porsche 906 ! Le
compte rendu de l'époque de la revue Sport-Auto avait titré
la victoire de David sur Goliath car le coupé
Barzoï était animé par un moteur Renault 8 Gordini d'une
puissance de 105 ch... contre des monstres d'environ 300 chevaux ...
En
1970, Marcel Fournier quitta la construction automobile et André Marcadier
continua à produire une gamme qui s'étoffa la même année
par la présentation d'une barquette biplace, réservée à
la course et qui reprenait le soubassement du coupé Barzoï. Cette
automobile, à la ligne inspirée des voitures américaines
de Can-Am, d'où son nom, fut la première
d'une lignée
de
barquettes qui firent les beaux jours des pilotes amateurs qui disposaient d'une
vraie voiture de course au budget réduit. Ainsi , on trouvait au Championnat
de France de la montagne en 1975 deux Marcadier animés par un moteur
Renault 8 Gordini 1300 aux 4e et 5e places en compagnie de Formules 2 et de
Prototypes à moteur 2 litres !
Lors
d'une période plus récente, la saison 1978 apporta au constructeur
de grandes satisfactions dans le monde toujours plus professionnel de la course
de côtes à haut niveau. Sa dernière création, une
fine et élégante barquette équipée d'un moteur Ford
Hart 2 litres développant 300 ch. domina outrageusement sa catégorie
et inquiéta même les formules 2 pourtant reines de la montagne
grâce à leur poids réduit et leur agilité.
Son
pilote n'était pas inconnu puisqu'il s'agissait de l'excellent
Roger Rivoire, lancien apprenti des Ets Fournier Marcadier qui passa
bien près du titre de champion de France de la montagne en 1974. Le tandem
Marcadier-Rivoire sans gros moyens mais non sans panache totalisa 11 victoires
sur 14 participations, les trois défaites étant dues à
un moteur qui n'était plus de première jeunesse .
A
la même période, le coupé Barzoï vit apparaître
un successeur : le Barzoï 2, équipé d'une mécanique
de Simca 1000 Rallye 2 afin de remplacer les groupes propulseurs Renault qui
n'étaient plus produits depuis longtemps. Ce coupé aux lignes
futuristes ne parvint jamais à faire oublier l'esthétique si attachante
de son prédécesseur. Il remporta cependant de nombreux suffrages
grâce à son comportement routier de tout premier ordre en raison
de son châssis dérivé des barquettes de course.
En
conclusion, l'histoire retiendra de ces deux marques lyonnaises, à
l'image des premières Lotus, une astucieuse conception qui permettait
d'exploiter au mieux une mécanique modeste de grande série.
La légèreté de ces voitures témoigne de leur qualité
de réalisation et leurs succès en compétition de leur
efficience.
Mais le plus grand mérite de nos deux hommes a été de
se montrer à l'avant-garde de solutions nouvelles pour rendre la course
automobile d'un coût raisonnable, même si les instances sportives
n'ont jamais considéré qu'il s'agissait d'une priorité
absolue en France.
De
son côté
André Marcadier, créateur infatigable de beaux objets, construira
quelques répliques de Super Seven, GT40 et Spyder 550 à la fin
des années 80.